Le tricentenaire de Jean-Jacques Rousseau
Publié le 5 Mai 2012
Né le 28 juin 1712, Jean-Jacques Rousseau est cette année
particulièrement à l’honneur. De nombreux hommages lui
sont rendus, notamment en Suisse, son pays natal, et en Savoie,
où il vécut quelques-unes de ses plus heureuses années.
Rousseau, écrivain européen et actuel
(Avec des exercices de différents niveaux : A 1 - A2 - B1 - B2)
Les chemins de traverse de Jean-Jacques Rousseau au domaine de Chaalis (Oise) 2012, année Rousseau : avec Jean-Marc Vasseur, responsable du site légué à l’Institut de France
Voici une lecture pour mes chers élèves, tout particulièrement
pour ceux de II D ESABAC qui, je n'en doute pas, sauront trouver
dans ces quelques lignes des réflexions intéressantes...
même pendant leur voyage en Espagne.
Emile ou De l'éducation (1762)
Vous vous fiez à l'ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu'il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet : les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d'en être exempt ? Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions *. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? Tout ce qu'ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire : il n'y a de caractères ineffaçables que ceux qu'imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. Que fera donc dans la bassesse ce satrape(2)que vous n'avez élevé que pour la grandeur ? Que fera, dans la pauvreté, ce publicain qui ne sait vivre que d'or? Que fera, dépourvu de tout, ce fastueux imbécile qui ne sait point user de lui-même, et ne met son être que dans ce qui est étranger à lui ? Heureux celui qui sait quitter alors l'état qui le quitte, et rester homme en dépit du sort ! Qu'on loue tant qu'on voudra ce roi vaincu qui veut s'enterrer en furieux sous les débris de son trône; moi je le méprise; je vois qu'il n'existe que par sa couronne, et qu'il n'est rien du tout s'il n'est roi : mais celui qui la perd et s'en passe est alors au-dessus d'elle. Du rang de roi, qu'un lâche, un méchant, un fou peut remplir comme un autre, il monte à l'état d'homme, que si peu d'hommes savent remplir. Alors il triomphe de la fortune, il la brave(3); il ne doit rien qu'à lui seul; et, quand il ne lui reste à montrer que lui, il n'est point nul; il est quelque chose. Oui, j'aime mieux cent fois le roi de Syracuse maître d'école à Corinthe, et le roi de Macédoine greffier(4)à Rome, qu'un malheureux Tarquin, ne sachant que devenir s'il ne règne pas, que l'héritier du possesseur de trois royaumes, jouet de quiconque ose insulter à sa misère, errant de cour en cour, cherchant partout des secours, et trouvant partout des affronts, faute de savoir faire autre chose qu'un métier qui n'est plus en son pouvoir.
L'homme et le citoyen, quel qu'il soit, n'a d'autre bien à mettre dans la société que lui-même; tous ses autres biens y sont malgré lui; et quand un homme est riche, ou il ne jouit pas de sa richesse, ou le public en jouit aussi. Dans le premier cas il vole aux autres ce dont il se prive; et dans le second, il ne leur donne rien. Ainsi la dette sociale lui reste tout entière tant qu'il ne paye que de son bien. Mais mon père, en le gagnant, a servi la société... Soit, il a payé sa dette, mais non pas la vôtre. Vous devez plus aux autres que si vous fussiez né sans bien, puisque vous êtes né favorisé. Il n'est point juste que ce qu'un homme a fait pour la société en décharge un autre de ce qu'il lui doit; car chacun, se devant tout entier, ne peut payer que pour lui, et nul père ne peut transmettre à son fils le droit d'être inutile à ses semblables; or, c'est pourtant ce qu'il fait, selon vous, en lui transmettant ses richesses, qui sont la preuve et le prix du travail. Celui qui mange dans l'oisiveté ce qu'il n'a pas gagné lui-même le vole; et un rentier que l'Etat paye pour ne rien faire ne diffère guère, à mes yeux, d'un brigand qui vit aux dépens(5) des passants. Hors de la société, l'homme isolé, ne devant rien à personne, a droit de vivre comme il lui plaît; mais dans la société, où il vit nécessairement aux dépens des autres, il leur doit en travail le prix de son entretien; cela est sans exception. Travailler est donc un devoir indispensable à l'homme social. Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon".
1) fripon Qui vole adroitement. Malicieux. Enfant espiègle.
2) satrape Titre de gouverneur de province chez les anciens Perses. [sens figuré] Homme riche et despotique.
3) braver Affronter avec courage. Défier.
4) greffier Fonctionnaire qui tient un greffe. greffe Lieu d'un tribunal où l'on dépose les minutes des jugements, des arrêts, etc., où l'on fait certaines déclarations, certains dépôts.
5) dépens Frais. Aux dépens de: au détriment de, aux frais de.
Penser le citoyen, par Aude Lapôtre
LE MONDE DES LIVRES | 21.02.08
Rousseau nous enseigne une force d'indignation devant l'éternelle
contradiction entre les Etats réels et la sagesse de l'homme libre,
entre la loi positive et la loi du coeur. En ce sens, toutes ses oeuvres
disposent d'une portée critique. Voilà pourquoi il faut juger les choses
non par ce qu'elles sont, mais parce qu'elles devraient être.
Il s'agit de se donner les moyens de penser un idéal,
non pour ignorer la complexité du réel, mais pour poser les fondements
de toute légit imité. Enfin, ce sentiment de révolte peut à son tour être
dépassé si on relit le Contrat social à la lumière de l'Emile. Un homme
n'est rien en dehors d'une communauté, parce que c'est parmi d'autres
hommes et sous les lois de son pays qu'il doit vivre. Ainsi, la théorie
ne peut avoir de sens qu'à l'épreuve d'un engagement effectif en tant
que citoyen.
Aude Lapôtre est professeur au lycée Vauban d'Aire-sur-la-Lys (62).
« C’est la faute à Rousseau »
http://www.curiosphere.tv/ressource/27977-cest-la-faute-a-rousseau/
LA FAUTE A ROUSSEAU : 50 CINEASTES RENDENT HOMMAGE AU PHILOSOPHE DES LUMIERES