L’Encyclopédie, article « Prêtres », d’HOLBACH, 1765

Publié le 11 Avril 2011

D'OLBACH

 

Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, né Paul Heinrich Dietrich von Holbach, né à Edesheim, Rhénanie-Palatinat, le 8 décembre 1723 et mort à Paris le 21 janvier 1789, est un savant et philosophe matérialiste d’origine allemande et d’expression française

http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Henri_Thiry_d'Holbach

 http://atheisme.free.fr/Biographies/Holbach.htm

 

Voici l'extrait à étudier avec Mme Bertuletti demain, le 12 avril,

 

PRÊTRES, s. m. pl. (Religion & Politique) on désigne sous ce nom tous ceux qui remplissent les fonctions des cultes religieux établis chez les différents peuples de la terre.

Le culte extérieur suppose des cérémonies, dont le but est de frapper les sens des hommes, et de leur imprimer de la vénération pour la divinité à qui ils rendent leurs hommages. (…) La superstition ayant multiplié les cérémonies des différents cultes, les personnes destinées à les remplir ne tardèrent point à former un ordre séparé, qui fut uniquement destiné au service des autels ; on crut que ceux qui étaient chargés de soins si importants se devaient tout entiers à la divinité ; dès lors ils partagèrent avec elle le respect des humains ; les occupations du vulgaire parurent au-dessous d’eux, et les peuples se crurent obligés de pourvoir à la

subsistance de ceux qui étaient revêtus du plus saint et du plus important des ministères ; ces derniers renfermés dans l’enceinte de leurs temples, se communiquèrent peu ; cela dut augmenter encore le respect qu’on avait pour ces hommes isolés ; on s’accoutuma à les regarder comme des favoris des dieux, comme les dépositaires et les interprètes de leurs volontés, comme des médiateurs entre eux et les mortels.

Il est doux de dominer sur ses semblables ; les prêtres surent mettre à profit la haute opinion qu’ils avaient fait naître dans l’esprit de leurs concitoyens ; ils prétendirent que les dieux se manifestaient à eux ; ils annoncèrent leurs décrets ; ils enseignèrent des dogmes ; ils prescrivirent ce qu’il fallait croire et ce qu’il fallait rejeter ; ils fixèrent ce qui plaisait ou déplaisait à la divinité ; ils rendirent des oracles ; ils prédirent l’avenir à l’homme inquiet et curieux, ils le firent trembler par la crainte des châtiments dont les dieux irrités

menaçaient les téméraires qui oseraient douter de leur mission, ou discuter leur doctrine.

Pour établir plus sûrement leur empire, ils peignirent les dieux comme cruels, vindicatifs, implacables ; ils introduisirent des cérémonies, des initiations, des mystères, dont l’atrocité pût nourrir dans les hommes cette sombre mélancolie, si favorable à l’empire du fanatisme ; alors le sang humain coula à grands flots sur les autels ; les peuples subjugués par la crainte, et enivrés de superstition, ne crurent jamais payer trop chèrement la bienveillance céleste : les mères livrèrent d’un oeil sec leurs tendres enfants aux flammes dévorantes ; des milliers de victimes humaines tombèrent sous le couteau des sacrificateurs ; on se soumit à une multitude de pratiques frivoles et révoltantes, mais utiles pour les prêtres, et les superstitions les plus

absurdes achevèrent d’étendre et d’affermir leur puissance. (…)

Tels ont été les degrés par lesquels les prêtres du paganisme ont élevé leur puissance. Chez les Egyptiens les rois étaient soumis aux censures du sacerdoce ; ceux des monarques qui avaient déplu aux dieux recevaient de leurs ministres l’ordre de se tuer, et telle était la force de la superstition, que le souverain n’osait désobéir à cet ordre. Les druides chez les Gaulois exerçaient sur les peuples l’empire le plus absolu ; non contents d’être les ministres de leur culte, ils étaient les arbitres des différends qui survenaient entre eux. Les Mexicains gémissaient en silence des cruautés que leurs prêtres barbares leur faisaient exercer à l’ombre du nom des dieux ; les rois ne pouvaient refuser d’entreprendre les guerres les plus injustes lorsque le pontife leur annonçait les volontés du ciel ; le dieu a faim, disait-il ; aussitôt les empereurs s’armaient contre leurs voisins, et chacun s’empressait de faire des captifs pour les immoler à l’idole, ou plutôt à la superstition atroce et tyrannique de ses ministres.

Les peuples eussent été trop heureux, si les prêtres de l’imposture eussent seuls abusé du pouvoir que leur ministère leur donnait sur les hommes ; malgré la soumission et la douceur, si recommandée par l’Evangile, dans des siècles de ténèbres, on a vu des prêtres du Dieu de paix arborer l’étendard de la révolte ; armer les mains des sujets contre leurs souverains ; ordonner insolemment aux rois de descendre du trône ; s’arroger le droit de rompre les liens sacrés qui unissent les peuples à leurs maîtres ; traiter de tyrans les princes qui s’opposaient à leurs entreprises audacieuses ; prétendre pour eux-mêmes une indépendance chimérique

des lois, faites pour obliger également tous les citoyens.  Ces vaines prétentions ont été cimentées quelquefois par des flots de sang : elles se sont établies en raison de l’ignorance des peuples, de la faiblesse des souverains, et de l’adresse des prêtres ; ces derniers sont souvent parvenus à se maintenir dans leurs droits usurpés ; dans les pays où l’affreuse inquisition19 est établie, elle fournit des exemples fréquents de sacrifices humains, qui ne le cèdent en rien à la barbarie de ceux des prêtres mexicains. Il n’en est point ainsi des contrées éclairées par les lumières de la raison et de la philosophie, le prêtre n’y oublie jamais qu’il est homme, sujet, et citoyen.

 

19. Juridiction ecclésiastique d’exception instituée pour la répression, dans toute la chrétienté, des crimes d’hérésie et des faits de sorcellerie.

© Cned

 

 

Commentaire composé :

Ce récit philosophique de D’Holbach écrit en 1765, tiré de l'Encyclopédie, expose de manière subjective le point de vue de l’auteur sur les religions pendant le siècle des lumières. En effet D’Holbach dans cet article de l’Encyclopédie parle de façon critique voire ironique des religions. Il fut d’ailleurs qualifié de « spinoziste » ce qui était synonyme à l’époque d’athée. À travers ce récit D’Holbach fait une critique subjective du pouvoir qu’exerce la religion sur les fidèles.
Peut-on qualifier ce récit philosophique, d'article des Lumières ?

La subjectivité apparaît dans cet article dés le début premier paragraphe (ligne5). En effet, les trois premières lignes constituent une définition objective des « Prêtres». « On désigne » à la première ligne universalise ce point de vue en montrant clairement que les critiques de l’auteur seront adressées aux Prêtres catholiques mais aussi aux représentants des autres religions. La description ironique des prêtres se fait par gradation. L’auteur commence en effet à faire le portrait de ce que devrait être un prêtre d’après le dogme et finit par la dénonciation de la prise de pouvoir au niveau religieux et politique sur les fidèles. À la ligne 6 les verbes « frapper » et « imprimer » montrent bien que l’auteur pense que les fidèles « subissent » le dogme enseigné par les prêtres. D’Holbach remplace même le mot « foi » par le terme « superstition » à la ligne 7, il veut nous montrer que les fidèles rendent leurs hommages à la divinité et prient pour des choses qu’ils n’ont jamais vues. Il évoque aussi la hiérarchie au sein des religions. Le peuple, « le vulgaire » se situe en bas de la pyramide alors que les ecclésiastiques, eux, sont au sommet. D’Holbach expose son point de vue tout en se montrant prudent puisqu’il place des modalisateurs dans le texte au sein des phrases, faisant référence aux coutumes des religions, « suppose » ligne 1, « on crut » ligne 10, « se crurent obligés » ligne 14, « dut augmenter » ligne 17 et « ils prétendirent » à la ligne 24. D’Holbach dénonce les problèmes liés à l’argent dans la religion aux lignes 14 et 15 « se crurent obligés de pourvoir à la subsistance de ceux qui étaient revêtus du plus saint et du plus important des ministères ». L’auteur dénonce également la cohabitation scandaleuse entre l’état et la religion, « favoris » à la ligne 18, cette idée est très moderne car ne l’oublions pas, la séparation entre l’Eglise et l’état date de 1905 alors que ce texte a été rédigé en 1765. L’utilisation du mot « mortel » renforce l’idée de hiérarchie et rend même les prêtres immortels eux mêmes. Ils deviennent des dieux. Dans le deuxième paragraphe, à la ligne 24, le modalisateur « ils prétendirent », D’Holbach veut montrer que les prêtres ne disent pas forcément la vérité, les fidèles doivent croire sans preuves. Quoi que les prêtres disent ceux qu’ils ont asservis vont les croire et mettre en pratique les règles énoncées. L’auteur fait allusion aux sectes en parlant des religions en général à la ligne 28 « ils prédirent l’avenir à l’homme inquiet et curieux », en effet lors d’une dépression les personnes se laissent manipuler et finissent par entrer dans une secte. De la ligne 28 jusqu’à la fin du texte D’Holbach montre que dans certains aspects, la religion fait penser à une dictature, «ils le firent trembler par la crainte des châtiments dont les dieux irrités menaçaient les téméraires qui oseraient douter de leur mission ou discuter leur doctrine… ». Il veut monter que le pouvoir religieux est fondé sur la soumission et la force.

Ce récit philosophique tiré de « l'encyclopédie » est résolument moderne, car à cette époque, une très grande majorité de personnes pratiquait une religion. Etre athée à cette époque était presque inimaginable. D’Holbach expose son athéisme avec beaucoup de subjectivité. La modernité de ce texte liée à la subjectivité de l’auteur montre l’appartenance de cet article au siècle des Lumières.

 

Rédigé par memoiresdeprof.over-blog.com

Publié dans #II D ESABAC

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